L’appel de l’ordonnance d’exequatur d’une sentence arbitrale n’est pas suspensif

4, Aug, 2024 | Particuliers, Professionnel

Note sur Cass. Civ. 1re, 15 mai 2024, n° 22-21854

 

Une règle classique de l’arbitrage international posée par l’article 1526 du Code de procédure civile est que l’appel contre l’ordonnance d’exequatur n’a pas d’effet suspensif. Le premier président de la cour d’appel de Paris peut prononcer l’arrêt ou l’aménagement de l’exécution de la sentence elle-même, en référé et donc dans le cadre d’un débat contradictoire, si cette exécution est susceptible de léser gravement les droits de l’une des parties.

 

Cependant, une partie peut-elle contourner ce principe en invoquant l’article 958 du Code de procédure civile, texte de droit commun des ordonnances sur requête en appel selon lequel “le premier président peut, au cours de l’instance d’appel, ordonner sur requête toutes mesures urgentes relatives à la sauvegarde des droits d’une partie ou d’un tiers lorsque les circonstances exigent qu’elles ne soient pas prises contradictoirement” ?

 

C’est ce que l’Etat de Malaise était astucieusement parvenu à obtenir afin de suspendre les effets de l’exequatur d’une sentence arbitrale rendue à son encontre en Espagne en faveur de deux créanciers afin, concrètement, d’éviter une saisie de ses actifs en France durant la procédure d’appel de l’ordonnance d’exequatur.

 

Surprenante et à tout dire critiquable, la décision de suspension était infirmée par la cour d’appel de Paris et l’Etat de Malaisie formait alors un pourvoi en cassation en soutenant que l’article 958 s’appliquerait en dépit de l’existence de l’article 1526, d’une part, et que sa demande ne visait pas l’arrêt de l’exécution de la sentence mais la suspension des effets de l’ordonnance d’exequatur, d’autre part.

 

Dans son arrêt du 15 mai 2024, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi de l’Etat de Malaisie dans les termes suivants :

 

“Il résulte de l’article 1526 du code de procédure civile, que l’appel de l’ordonnance ayant accordé l’exequatur n’est pas suspensif et que la seule voie de droit permettant d’en suspendre les effets est l’arrêt ou l’aménagement de l’exécution de la sentence elle-même, prononcée par le premier président statuant en référé, si cette exécution est susceptible de léser gravement les droits de l’une des parties. La cour d’appel ayant rappelé que la suppression du caractère suspensif des voies de recours par le décret n° 2011-48 du 13 janvier 2011 était une exception qui avait pour but de renforcer l’efficacité et la célérité de l’arbitrage international, en a déduit à bon droit que cet aménagement particulier à l’arbitrage international ne permettait pas de contourner la compétence du premier président résultant de l’article 1526 du code de procédure civile, en introduisant, sur le fondement de l’article 958 du même code, une requête aux fins de suspension des effets, non de la sentence, mais de l’ordonnance lui ayant accordé l’exequatur.”

 

Cet arrêt de la Cour de cassation est cohérent avec l’esprit et les textes de l’arbitrage international. Si le droit permet au créancier d’exécuter la sentence arbitrale c’est-à-dire de saisir les actifs de son débiteur en réservant la possibilité à ce dernier de demander l’arrêt de l’exécution de la sentence ou son aménagement dans une procédure contradictoire, en référé, il ne saurait être admis que cette règle spéciale soit évitée grâce au droit commun des ordonnances sur requête.

 

La décision permet ainsi aux créanciers titulaires d’une sentence arbitrale internationale de saisir les actifs que leur débiteur possède en France et ce dès l’ordonnance d’exequatur obtenue auprès du président du tribunal judiciaire de Paris ayant une compétence exclusive en la matière.