L’action en exequatur est imprescriptible
Note sur Cass. Civ. 1re, 11 janvier 2023, n° 21-21168
Le titulaire d’un jugement rendu à l’étranger peut-il en demander l’exequatur en France si celui-ci est ancien voire très ancien ? C’est à cette question que la Cour de cassation a répondu par l’affirmative dans un arrêt du 11 janvier 2023.
Dans cette affaire, une partie demandait l’exequatur d’une décision rendue en 2002 par l’Office des poursuites du district de Lausanne (Suisse) actant du défaut de biens de son adversaire.
Par arrêt du 15 juin 2021, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence faisait droit à la demande d’exequatur en dépit de l’ancienneté du jugement.
La partie s’opposant à l’exequatur formait alors un pourvoi en cassation en soutenant que l’exécution en France d’une décision étrangère serait soumise à la loi française quant à la prescription et qu’en retenant que le délai de prescription de la créance constatée par l’acte de défaut de biens était, selon le droit suisse, de vingt ans à compter de la délivrance de l’acte de défaut de biens, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence aurait appliqué de manière erronée le droit suisse au détriment du droit français.
La Cour de cassation rejette le pourvoi et valide l’analyse de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence ayant prononcé l’exequatur du jugement suisse de 2002.
En application de l’article 3 du Code civil, la Cour de cassation pose la règle suivante dans un attendu de principe amené à faire jurisprudence :
« Si les règles de prescription de l’Etat d’origine sont susceptibles d’affecter le caractère exécutoire du jugement et, par conséquent, l’intérêt à agir du demandeur à l’exequatur et si celles de l’Etat requis sont susceptibles d’affecter l’exécution forcée du jugement déclaré exécutoire, en revanche, l’action en exequatur elle-même n’est soumise à aucune prescription. »
En l’espèce, étant donné que le demandeur a introduit une procédure d’exequatur, celle-ci n’est pas prescrite et le jugement de défaut de biens suisse rendu en 2002 peut être reconnu en France.
Cet important arrêt ouvre la voie à l’exequatur en France de décisions de justice étrangères anciennes sous la réserve de l’intérêt à agir du demandeur dont dépend le caractère exécutoire du jugement dans le pays d’origine.
Ainsi, avant de demander l’exequatur d’un jugement ancien qui ne saurait lui être refusé pour cette seule raison au stade de l’analyse du bien-fondé de l’action, son titulaire doit vérifier, au stade préalable de la recevabilité de sa demande, que le jugement est toujours exécutoire dans le pays dans lequel il a été rendu.