La notification internationale de droit commun par la voie diplomatique
Note sur Cass. Civ. 2e, 24 mars 2022, n° 20-17394
La notification internationale de droit commun, hors conventions bilatérales ou multilatérales (droit européen et Convention de La Haye du 15 novembre 1965, principalement), était jusqu’en 2019 effectuée de deux façons alternatives définies par les expressions pratiques de “circuit court” et de “circuit long”.
Les juridictions ont interprété l’article 684 du Code de procédure civile comme permettant l’utilisation d’un circuit court par remise de l’acte (assignation, jugement ou autre) à l’ambassade en France du pays concerné. Dans un arrêt du 19 septembre 2018, la Cour d’appel de Paris admettait la validité de l’assignation transmise par le ministère des affaires étrangères à l’ambassade d’Algérie en France et ce alors que l’Etat algérien soutenait que seul le circuit long pouvait être utilisé. Dans le même sens, la validité d’une assignation signifiée à l’ambassade du Mali avait été retenue par la Cour d’appel de Paris dans un arrêt du 5 octobre 2016 et un arrêt du 22 septembre 2015 validait la signification d’un jugement à l’Etat du Koweït via l’ambassade du Koweït en France.
Suite à l’arrêt de la Cour de cassation du 21 février 2019 relatif à la notification d’un jugement à l’ambassade des Etats-Unis en France, le ministère des affaires étrangères a mis un terme à la pratique du circuit court, le seul système subsistant était désormais celui du circuit long.
Dans le circuit long, la première étape consiste en la remise de l’acte (assignation, jugement ou autre) au parquet civil du ministère de la justice français pour s’achever, dans la mesure du possible, par une remise du ministère des affaires étrangères français au ministère des affaires étrangères de l’Etat concerné, sur son territoire et non plus à son ambassade en France tel que le circuit court le permettait.
A cet effet, la Cour de cassation a dans ses arrêts du 30 janvier 2020 (n° 18-23917) et du 1er octobre 2020 (n° 19-14746) jugé qu’en application de l’article 684 du Code de procédure civile, la remise à parquet de la décision à notifier ne constitue pas le point de départ du délai pour en interjeter appel.
C’est dans la lignée de ces deux arrêts que s’inscrit l’arrêt du 24 mars 2022.
Suivant l’Etat du Liban dans son argumentation, la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par ses créanciers contre un arrêt de la Cour d’appel de Paris du 2 juillet 2020 et ce dans les termes suivants :
“S’agissant d’une notification internationale à destination d’un Etat étranger, et en l’absence de convention internationale applicable, l’article 684 du code de procédure civile prévoit que celle-ci doit être effectuée par la voie diplomatique.
La remise à parquet de la décision à signifier par la voie diplomatique ne constitue pas la preuve de la remise de l’acte à son destinataire et ne peut valoir notification.”
Dès lors que les créanciers de l’Etat du Liban ne démontraient pas avoir achevé le processus de signification par circuit long d’un arrêt de la Cour d’appel de Beyrouth portant condamnation à leur payer la somme de 1.586.169 USD et ayant reçu l’exequatur en France, cette décision de justice ne pouvait faire l’objet d’une exécution forcée contre les actifs de l’Etat libanais en France.
Il s’agit d’une jurisprudence constante, conforme à la pratique des créanciers d’un Etat devant le Juge de l’exécution du Tribunal Judiciaire de Paris, juridiction demandant systématiquement la preuve que le processus de notification de la décision de justice par circuit long a été effectué jusqu’à son terme pour autoriser les voies d’exécution contre les actifs d’un Etat en France.
Cette règle protectrice des Etats est compréhensible mais celle-ci ne doit pas pour autant porter une atteinte disproportionnée aux droits des créanciers de pratiquer des voies d’exécution si la notification à l’Etat étranger est très longue voire ineffective. Dans ce cas, la solution résiderait dans l’invocation de l’article 687-2 aliéna du 3 du Code de procédure civile réputant la notification avoir été effectuée à la date à laquelle l’acte a été envoyé à l’Etat étranger.