L’exequatur partiel des décisions de justice étrangères
Note sur Cour d’appel de Dijon, 25 mars 2021, RG n° 19/00545
La Cour d’appel de Dijon a rendu le 25 mars 2021 un arrêt relatif à l’exequatur partiel des décisions de justice étrangères.
Le demandeur a le droit d’obtenir l’exequatur partiel d’un jugement étranger dès lors que ses dispositions sont divisibles. Le principe a été posé par la Cour de cassation en 1985 pour les jugements : « la convention franco-gabonaise du 23 juillet 1963 n’interdit pas de demander l’exequatur partiel d’une décision » (Cass. Civ. 1re, 13 février 1985, n° 83-16177, publié au bulletin) et 1987 s’agissant des sentences arbitrales : « en l’absence d’une indivisibilité ou d’un lien de dépendance entre les différents chefs d’une sentence, l’article 1028 du Code de procédure civile, applicable en la cause, ne fait pas obstacle à un exequatur partiel . » (Cass. Civ. 1re, 28 avril 1987, n° 85-14904, publié au bulletin)
Les cours d’appel ont par la suite rendu différents arrêts d’espèce faisant application de ce régime juridique. Citons la Cour d’appel de Versailles dans un dossier impliquant l’Etat du Cameroun (Cour d’appel de Versailles, 16 juin 2011, RG n° 10/03381), la Cour d’appel de Grenoble s’agissant d’une affaire d’exequatur partiel d’une créance contractuelle (Cour d’appel de Grenoble, 3 mars 2015, RG n° 11/03714) ou encore le droit pour l’assureur intervenant volontaire de former une demande de reconnaissance du jugement étranger ne portant que sur partie des condamnations prononcées (Cour d’appel de Poitiers, 24 juin 2016, RG n° 15/00523). Récemment, la Cour d’appel de Paris a d’office invité la demanderesse à former une demande aux fins d’exequatur partiel par voie de conclusions adressées au conseiller de la mise en état (Cour d’appel de Paris, 13 octobre 2020, RG n° 20/14669).
C’est dans la continuité de cette jurisprudence que l’arrêt commenté a été rendu.
La Cour d’appel de Dijon était saisie d’un recours à l’encontre d’une décision de force exécutoire d’un jugement néerlandais de condamnation à une somme au principal ainsi qu’aux intérêts. L’appelant faisait grief à cette décision de reconnaître un taux d’intérêt usuraire et demandait l’exequatur partiel du jugement rendu aux Pays-Bas uniquement sur le principal, à l’exclusion des intérêts. La Cour d’appel de Dijon, sur le fondement du règlement CE n° 44/2001 du 22 décembre 2000, fait droit à cette demande et infirme la décision de première instance : « Les dispositions du jugement du 15 octobre 2014 rectifié le 15 juillet 2015 en ce qu’elles concernent les intérêts produits par la somme principale sont dissociables des autres dispositions de ce jugement. Il s’en déduit qu’un exequatur partiel peut être accordé sans violation des dispositions de l’article 45 du règlement prohibant une révision au fond de la décision étrangère par l’Etat requis. » (Cour d’appel de Dijon, 25 mars 2021, RG n° 19/00545)
Ce faisant, la Cour d’appel de Dijon rend une intéressante décision d’espèce sur l’exequatur partiel.
Cette notion désormais ancrée en droit de l’exequatur des jugements et sentences arbitrales étrangers trouve, lorsque leurs dispositions sont divisibles, son fondement dans l’article 5 du Code de procédure civile : « Le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé ».