La Cour de cassation censure un arrêt de la Cour d’appel de Versailles dans un dossier suivi par notre cabinet

29, Sep, 2020 | Particuliers, Professionnel

Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 16 septembre 2020, n° 19-11621, Publié au bulletin

 

La société The Paragon Collection LLC, société de droit américain, a conclu avec la société française XT Soft un contrat de licence portant sur la commercialisation et la distribution de produits informatiques.

 

A la suite d’un différend portant sur le montant des redevances, la société The Paragon Collection a assigné la société XT Soft devant la Cour de district de Californie. Par une ordonnance et un jugement du 22 septembre 2014, la juridiction américaine a condamné la société XT Soft à payer une somme de $ 502.391,15.

 

La société The Paragon Collection a saisi notre cabinet en 2016 afin de recouvrer en France la créance qu’elle détient sur la société Xt Soft.

 

Après avoir procédé, le 10 mars 2016, à une saisie conservatoire sur le compte bancaire de la débitrice, la société Paragon l’a assignée, le 16 mars 2016, devant le tribunal de grande instance de Pontoise en exequatur des décisions de justice américaines.

 

Le Juge de l’exécution du Tribunal de Grande Instance de Pontoise a par jugement du 6 mars 2017 validé la saisie bancaire conservatoire pratiquée sur le fondement des jugements américains et en conséquence rejeté la demande de mainlevée de la société Xt Soft.

 

Par jugement en date du 20 février 2018, le Tribunal de Grande Instance de Pontoise a accordé l’exequatur à l’ordonnance ainsi qu’au jugement de la Cour de district de Californie du 22 septembre 2014.

 

Saisie d’un appel de la société Xt Soft, la Cour d’appel de Versailles a infirmé le jugement du Tribunal de Grande Instance de Pontoise par arrêt du 25 janvier 2019 en raison d’une prétendue contrariété des décisions de justice américaines à l’ordre public international français de procédure et ce pour leur absence de signification à la société Xt Soft.

 

La Cour de cassation, dans son arrêt du 16 septembre 2020, casse l’arrêt de la Cour d’appel de Versailles au visa notamment de l’article 509 du code de procédure civile :

 

« En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si la connaissance par la société XT Soft de l’assignation et de l’instance devant la juridiction californienne ne démontrait pas que ses droits au procès équitable et au recours effectif, au sens des articles 6 et 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, avaient été respectés, nonobstant l’absence de notification des décisions rendues, dès lors qu’elle disposait d’un délai d’un an à compter de la décision pour former un recours, ce dont il résultait qu’au regard des circonstances de l’espèce, les décisions américaines pouvaient ne pas révéler d’atteinte à l’ordre public international de procédure, la cour d’appel a privé sa décision de base légale.

 

Le juge de l’exequatur, dont les pouvoirs se limitent à la vérification des conditions de l’exequatur, ne peut connaître d’une demande reconventionnelle en responsabilité fondée sur une faute qui n’a pas été commise au cours de l’instance dont il est saisi.

 

Pour retenir la responsabilité de la société Paragon, l’arrêt relève que la signification des décisions de condamnation américaines après expiration du délai de recours caractérise une déloyauté procédurale fautive, cette manœuvre ayant permis la saisie conservatoire du compte bancaire de la société XT Soft qui présentait, à la date de la saisie, un solde créditeur.

 

En statuant ainsi, alors que la faute imputée à la société Paragon était étrangère à la procédure d’exequatur, la cour d’appel a violé le texte susvisé. »

 

Ce faisant, la Cour de cassation a suivi l’argumentaire que notre cabinet soutient dans ce dossier depuis que les juridictions françaises en ont été saisies en 2016.

 

L’arrêt du 16 septembre 2020 s’inscrit implicitement dans la continuité de la jurisprudence de la Cour de cassation sur la compétence de la « loi étrangère de procédure » afin de déterminer si la signification du jugement rendu à l’étranger est, ou non, requise, cette question ne relevant pas de la compétence du droit du for (le Code de procédure civile français).

 

En l’espèce, le droit de Californie fait courir le délai d’appel à compter de la date d’un jugement et non d’une signification qu’il ne requiert pas, de telle sorte que l’exequatur avait justement été accordé par le Tribunal de Grande Instance de Pontoise puis injustement refusé par la Cour d’appel de Versailles.

 

Lien vers l’arrêt : https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000042372072?tab_selection=all&searchField=ALL&query=+19-11621&page=1&init=true