Le contrôle du taux d’intérêt étranger par le juge de l’exequatur
Le juge de l’exequatur doit contrôler si le taux d’intérêt étranger est conforme à l’ordre public
(Note sous Cass. Civ. 1re, 17 octobre 2018, n° 17-18995)
Une banque de droit russe a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Paris un couple de nationalité russe afin que soit prononcé l’exequatur d’un jugement du tribunal de Saint-Pétersbourg ainsi que d’un arrêt de la cour d’appel de Saint-Pétersbourg.
Ces deux décisions de justice rendues en Russie condamnent les époux solidairement à payer le solde de trois prêts immobiliers, principal et intérêts, contractés auprès de ladite banque pour l’acquisition de trois appartements dans un immeuble situé à Saint-Pétersbourg et ordonnent la vente des appartements hypothéqués aux enchères publiques.
Le tribunal de grande instance de Paris déclare la demande bien-fondée et confère l’exequatur aux décisions de justice russes.
Le couple interjette alors appel du jugement d’exequatur devant la Cour d’appel de Paris.
La Cour d’appel de Paris, dans un arrêt du 31 janvier 2017 (RG n° 15/05468) rappelait en premier lieu le cadre juridique de l’exequatur des jugements de Russie :
« Pour accorder l’exequatur à un jugement russe, en l’absence de coopération judiciaire entre la République française et la Fédération de Russie, le juge français doit s’assurer que trois conditions sont remplies tenant à la compétence indirecte du juge étranger fondée sur le rattachement du litige au juge saisi, à la conformité à l’ordre public international de fond et de procédure et à l’absence de fraude à la loi. »
Sur l’ordre public, le couple russe faisait valoir que les décisions de justice rendues par les juridictions de Saint-Pétersbourg seraient contraires à la conception française de l’ordre public international de fond en ce que le taux d’intérêt à hauteur de 15% outre une indemnité de 30%, prévus par le contrat et consacrés par la décision du tribunal russe, seraient usuraires.
La Cour d’appel de Paris rejetait cet argument pour décider que le taux d’intérêt fixé et régulièrement révisé en fonction de paramètres économiques et financiers constatés en France, par essence variables, ne peut être considéré en tant que tel comme d’ordre public international.
Le couple forme dès lors un pourvoi en cassation, sur le même moyen.
La Cour de cassation casse l’arrêt au visa de l’article 3 du code civil et rappelle la mission du juge de l’exequatur : « il lui appartenait, pour exercer pleinement son contrôle au titre de l’exception d’ordre public, de rechercher si, concrètement, le taux appliqué par les décisions russes n’était pas contraire à l’ordre public international ».
Ainsi, la Cour d’appel de Paris autrement composée qui sera saisie du renvoi après cassation devra-t-elle revoir son analyse sur ce moyen et vraisemblablement rejeter la demande d’exequatur des décisions de justice rendues en Russie, pour contrariété à l’ordre public.